[Dossier] Réseaux d’affaires : un levier de croissance à ne pas sous-estimer pour les artisans
Le bouche-à-oreille n'est pas seulement l'apanage des particuliers, mais peut tout aussi bien provenir de vos pairs. Pour profiter de cette opportunité, les réseaux d'affaires apparaissent comme une opportunité de développement indispensable à votre activité. À vos marques, prêt, réseautez !

Une histoire d’opportunité. À la tête de LLH Construction, une entreprise de maçonnerie à Nîmes, Loïc Le Hegarat s’est vu proposer par « un ami assureur » l’occasion d’intégrer un réseau d’affaire dans le Gard. En avril 2017, l’entrepreneur adhère au BNI (Business Network International) « Sommières Excellence », dès sa création, et qui regroupe depuis novembre une quarantaine de chefs d’entreprise. « Le réseau, c’est la confiance« , fait savoir le dirigeant qui a très vite saisi l’intérêt du réseautage.

Cela s’avère même un vrai atout pour son activité : « L’avantage principal est la recommandation. Nous sommes 40 commerciaux avec chacun un carnet d’adresses au service des autres« . Une force de frappe indéniable pour remplir ses carnets de commandes. Et l’affaire est rapidement entendue : « Depuis que j’y suis, un quart de mon chiffre d’affaires provient du BNI, soit près de 50 000 euros« , note-t-il.

« Nous sommes 40 commerciaux avec chacun un carnet d’adresses au service des autres »

Loïc Le Hégarat, gérant LLH Construction

Efficace lorsqu’elle est réalisée par des particuliers satisfaits des travaux réalisés, la recommandation l’est d’autant plus lorsqu’elle est faite par des pairs. À l’instar des clubs de dirigeants qui existent en France, les réseaux d’affaires se développent sur le territoire et s’adressent de plus en plus à l’ensemble de la communauté des chefs d’entreprise. « Ces réseaux d’affaires s’adressent aux professionnels dont la priorité est la recherche de nouveaux business« , présente Alain Bosetti, fondateur de Place des réseaux et cofondateur du Salon SME, également coauteur du livre Comment développer votre activité avec votre réseau relationnel (Éditions Dunod). « L’attente principale des membres est la rencontre de nouveaux clients et l’entrée dans un cercle où chacun fait la promotion de l’autre« .

Une volonté qui a également incité Patrick Lacaze à fonder, en 2017, Réso Actif sur Cavaillon (Vaucluse). « Il n’existait pas de réseaux à un coût relativement accessible sur la région. On a souhaité lancer le nôtre en misant sur la recommandation entre professionnels« , explique-t-il. Avec 262 entrepreneurs, le réseau réunit une multitude de secteurs d’activité dont le but est la recommandation entre professionnels. « Nous avons des coachs, des assureurs, des commerciaux, des avocats mais aussi une dizaine d’entrepreneurs du bâtiment qui veulent développer leur business au niveau local« , précise le responsable.

Avec une dizaine de rencontres par an – des Speed Business – exclusivement centrées sur l’apport d’affaires, le réseau cavaillonnais orchestre la mise en relation et les recommandations entre professionnels et la recherche de nouveaux partenaires. « En plus des opportunités de business direct, c’est aussi un moyen de rencontrer des professionnels du droit et des prestataires. Des échanges toujours utiles pour un chef d’entreprise« , estime Patrick Lacaze.

Nicolas Douillard, dirigeant de la plâtrerie Jamoneau en Loire-Atlantique, lui, s’est lancé dans le grand bain du réseau il y a dix ans, quelque temps après avoir repris l’entreprise. « À l’origine, la recherche de nouveaux chantiers n’était pas le but principal, mais c’est devenu un supplément d’activité intéressant. Ça nous apporte en moyenne une dizaine de milliers d’euros de chantiers par an« , confie-t-il.

Un apport non négligeable pour cette petite entreprise de deux salariés, qui lui permet d’autant plus d’augmenter sa visibilité sur le territoire. Pour ce membre du Ressor 44, un réseau d’entreprises des Sorinières, l’association favorise également la communication entre les entreprises et les différentes municipalités. Un moyen de s’affirmer dans sa zone d’activité et de trouver de nouveaux clients, particuliers comme professionnels. Mais pour autant, être recommandé par un pair est-il un gage d’assurance supplémentaire pour le client ?

À en croire Alain Bosetti, la promotion par un spécialiste engage la fiabilité professionnelle du tiers. « Le principe des réseaux d’affaires est la recommandation, ce qui engage le professionnel et sa réputation. Vous mettez en jeu votre confiance auprès des autres membres« , prévient-il. Un enjeu majeur qui suppose donc que l’intermédiaire soit sûr de son réseau, au risque de perdre en crédibilité.

« J’ai suivi des formations« 

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« Pour les six premiers mois de présence, le BNI m’a déjà permis de rentabiliser l’adhésion annuelle et même d’en faire plus« , explique Christophe Pépin, dirigeant de Sols 9, une entreprise de revêtement de murs et sols dans le Nord, qui évoque une somme de près de 5 000 euros. S’il compte bien développer davantage son chiffre d’affaires grâce à la recommandation de ses pairs, l’entrepreneur se veut patient. « Il faut une bonne année pour connaître tout le monde et avoir le temps de se présenter soi, son activité et établir une relation de confiance. Ce n’est pas magique« , argue ce dirigeant d’entreprise.

Il n’empêche, si l’engagement « nécessite du temps et une capacité à s’organiser« , ce patron de deux salariés mesure déjà les bienfaits d’être membre du réseau. « J’ai déjà eu l’occasion de suivre des formations. Le fait de se rencontrer tous les mercredis matin apporte une proximité entre dirigeants qui nous permet d’échanger très librement et de bénéficier d’un suivi de l’actualité réglementaire. Ce qu’on a rarement le temps de faire. C’est un super tremplin pour développer ses relations et donc, son activité« , explique-t-il. D’autant que, selon lui, l’organisation du réseau dont il est membre est relativement souple. « Il y a pas mal d’entrepreneurs du bâtiment dans notre groupe, donc l’organisation est adaptée. Ce qui n’empêche pas d’être responsables et exigeants« , note-t-il.

Repères :

Raison sociale : APA
Activité : Travaux de revêtement de sols et des murs
Siège social : Hautmont (Nord)
Année de création : 2007
Gérant : Christophe Pépin, 56 ans
Effectif : 2 salariés
CA 2018 : NC

Bien choisir son réseau

Le choix du réseau apparaît comme un élément clé dans la démarche que veut instiller le dirigeant. « Ce choix dépend surtout des envies de chaque dirigeant et de ses attentes« , note Alain Bosetti. Recherche d’un mentor, partage de compétences ou résolument orientés vers l’apport de nouveaux business, les réseaux professionnels ont chacun une valeur propre. Certains sont organisés par secteurs d’activité, d’autres ouverts à tous les professionnels quels que soient la taille et le coeur de métier. Mais dans l’ensemble, les réseaux d’affaires partagent deux points communs : ils fonctionnent sur la cooptation ou sur une sélection rigoureuse de leurs membres et évitent généralement la concurrence métier.

Face à la diversité de réseaux existants, le choix est large. Originaire des États-Unis, le réseau BNI est l’un des plus connus. Il se targue même d’être « le 1er réseau d’affaires en France, en Europe et dans le monde ». Pour la France et la Belgique francophone, BNI rassemble plus de 20 000 membres à travers 700 groupes. La cooptation y est d’usage et l’état d’esprit « qui donne reçoit » doit être partagé. « BNI a un style de fonctionnement et une démarche très structurée qui a fait ses preuves, c’est peut-être pour cela qu’il est souvent mis en avant, analyse Alain Bosetti. Mais, cela n’empêche pas de faire confiance à des réseaux d’affaires indépendants si on n’adhère pas à la démarche.« 

« Les membres du réseau ne sont pas concurrents mais confrères »

Béatrice Fongarnand, fondatrice Actions Artisans

Une méthode qui convient à Loïc Le Hégarat : « Tout est très bien organisé, on se retrouve régulièrement, une fois par semaine, les mercredis matin. C’est un temps d’échange où l’on apprend à se connaître et à développer son réseau« . Pour le business, la recommandation fait le reste. D’autres, à l’inverse, préfèrent la convivialité de réseaux indépendants moins institutionnalisés, aux contraintes moindres, mais dont le sérieux est tout autant mis en avant.

C’est entre autres pour cela que Béatrice Fongarnand a fondé, en 2016, Action Artisans, un groupement d’une quarantaine d’artisans. « Nous opérons une sélection assez drastique des professionnels qui nous rejoignent, basée sur des valeurs tels que le respect, la bienveillance et la solidarité« , explique la gérante, qui précise que « les membres ne sont pas concurrents mais confrères« .

Avec un concept basé sur la recommandation entre pairs et le bouche-à-oreille, chaque professionnel qui recommande un membre gagne 5 % du devis signé. Un montant que reverse la structure après avoir ponctionné une commission de 7,5 %. « Ça peut aller jusqu’à 2 000 euros de marge brute« , fait-elle savoir, précisant que certains professionnels ont déjà réalisé 50 000 euros de CA depuis le début de l’année grâce à la recommandation.

Un ticket gagnant-gagnant qui semble faire des émules puisque le groupement vise très rapidement les cinquante membres sur la région lyonnaise et compte bien se décliner avec des antennes locales à Annecy, Valence ou encore Montélimar, avant de s’installer dans d’autres régions.

Pourtant, si la question du coût peut s’avérer être un frein, beaucoup assurent qu’elle ne l’est pas, au regard des opportunités d’affaires créées par la recommandation. « L’investissement financier est assez négligeable« , explique Olivier Sarezinski, fondateur et gérant d’OptimRézo en Île-de-France. Avec un ticket d’entrée à 150 euros puis une cotisation mensuelle de 85 euros, l’adhésion au réseau d’affaires est avantageuse, selon lui : « Dans le bâtiment, l’apport d’un chantier rentabilise largement l’adhésion« . Un coût semblable à ceux appliqués par BNI par exemple. « Mon adhésion me coûte au total 1 302 euros à l’année pour 50 000 euros de CA« , indique Loïc Le Hegarat. « Le calcul est vite fait« .

« C’est une philosophie d’appartenance au territoire« 

Ils se sont engagés dès la création du réseau en 1997. « Nous n’étions qu’une petite dizaine d’entrepreneurs au départ« , se souvient Florence Coureau, codirigeante de l’entreprise Maison Bois Coureau, avec son mari, Jean-François. Membres du Club des entrepreneurs du Médoc, qui réunit aujourd’hui plus d’une centaine de chefs d’entreprise, les dirigeants poursuivaient l’objectif premier de rencontres entre pairs de la région. « On a adhéré pour échanger et partager notre expérience avec d’autres entrepreneurs, quels que soient leurs secteurs d’activité« , explique Florence Coureau.

« Le fort ancrage du Club est aussi un moyen d’avoir une représentation de notre entreprise au niveau local. C’est une philosophie d’appartenance au territoire« . Une démarche d’implantation de proximité et de visibilité qui leur a également permis de décrocher de nouvelles affaires. « On a eu un gros chantier en 2017. Même si ce n’est pas fréquent, faire fonctionner le bouche à oreille entre dirigeants est un moyen intéressant de faire du business« , reconnaît-elle. Si la cotisation annuelle est fonction du chiffre d’affaires, l’opération est plus que rentable pour l’entreprise, d’autant qu’elle est également un moyen de « monter en compétences grâce aux rencontres avec des experts organisées par le Club« . Un ticket gagnant.

Repères :

Raison sociale : SARL Maison Bois Coureau
Activité : Construction de maisons à ossature bois
Siège social : Moulis-en-Médoc
Année de création : 1982 (2007 passage en SARL)
Gérants : Florence et Jean-François Coureau, 52 ans et 57 ans
Effectif : 9 personnes
CA 2018 : NC

L’implication ? Un prérequis

Avant de profiter des atouts offerts par le réseau d’affaires, un prérequis veut que le professionnel envisage l’étendue qu’implique un investissement dans le réseau, a fortiori lorsque celui-ci exige des contreparties. Investissement en temps, implication dans l’organisation, présence aux réunions sont autant d’engagements à respecter sur la durée et qui peuvent parfois être délicats à cumuler avec des responsabilités de dirigeant d’entreprise.

« Il faut considérer l’investissement en temps avec le même sérieux que des rendez-vous clients« 

Olivier Sarezinsky, fondateur OptimRézo

« En termes de vision du réseau, les membres envisagent en général les bénéfices attendus, plus rarement les contraintes. Le réseau est supposé constituer une ressource dans laquelle l’organisation peut puiser à volonté, voire un débouché quand il est orienté vers l’aval et le client final« , écrit Jean-Charles Rico, maître de conférences en science de gestion à l’IAE de La Rochelle.

Avantageux mais aussi synonyme de restrictions, le réseau doit, d’après lui, « être envisagé sous l’angle d’un ratio/bénéfices, comme le sont les relations dyadiques client-fournisseur« . Un engagement qui doit aussi être vu sous l’angle du développement commercial. « Il faut considérer l’investissement en temps avec le même sérieux que des rendez-vous clients« , estime Olivier Sarezinsky. « La prospection doit en général prendre 20 % du temps d’un dirigeant, c’est donc aussi un moyen d’optimiser son temps« .

D’autant que le nombre de réunions dépend de chaque réseau. Chez BNI, les réunions sont en général hebdomadaires et obligatoires, quand chez d’autres, la fréquence varie d’une ou deux par mois à une dizaine par an. Pour l’entrepreneur gardois, l’implication demandée par BNI demande de la vigilance et de la régularité. « On a vite fait de faire sauter une réunion à cause de son activité, il faut savoir qu’on a le droit à trois absences et à être suppléé trois fois dans l’année. Le plus contraignant c’est l’été, quand on commence très tôt et qu’il faut quitter ses chantiers pour aller aux réunions« . Un critère à ne pas sous-estimer puisque la présence et la régularité aiguilleront les opportunités d’affaires de chaque dirigeant.

Où trouver un réseau d’affaires

Convaincu par l’intérêt de la recommandation, vous souhaitez rejoindre un réseau d’affaires ? Commencez par vous rapprocher des Chambres de commerce et d’industrie de votre département qui vous aiguilleront sur les groupes qui existent déjà localement. Vous pouvez également vous tourner vers les acteurs majeurs de l’apport d’affaires tels que BNI ou Dynabuy. Pour plus d’informations, le site Place des réseaux propose un annuaire en accès libre des réseaux d’entrepreneurs existants.

Partage et rencontres

On les dit souvent isolés, la tête dans l’opérationnel, mais les dirigeants d’entreprises artisanales montrent une appétence à s’ouvrir et à rompre cet isolement. Lieux d’échange, les réseaux d’affaires permettent également de formaliser des moments réguliers de convivialité et de solidarité entre dirigeants. « C’est l’occasion de sortir de son cadre, de s’extraire du quotidien, de faire des rencontres avec d’autres professions et de partager ses problématiques« , retient Olivier Sarezinsky d’OptimRézo.

« On adhère d’abord pour l’échange et le partage« , fait savoir Nicolas Douillard, qui loue l’importance de dialoguer avec d’autres entrepreneurs de la région. « On a souvent des interrogations similaires, ça permet aussi de se sentir moins isolé au quotidien« . « Un chef d’entreprise se pose toujours des questions. On se rend compte qu’on partage les mêmes doutes, abonde Loïc Le Hegarat. Le fait d’en discuter avec des patrons qui ont 30 ans d’expérience rassure également« .

Les clubs de dirigeants présentent aussi l’intérêt d’être un lieu d’échange et de montée en compétences des professionnels. « Nous faisons venir des intervenants sur des thèmes divers qui intéressent les membres. Il y a un partage d’expérience et une réelle montée en compétences sur des sujets sociaux ou de gestion. C’est un réel avantage d’en faire partie« , témoigne Mélissa Bretaudeau, qui dirige l’association Ressor 44. Mêmes opportunités au BNI gardois, qui donne accès à des formations ciblées tout au long de l’année à ses adhérents.

Une démarche qui peut sembler annexe mais qui ne l’est pas. « L’échange et le partage de bonnes pratiques sont importants pour nous, en tant que dirigeants. Cela nous permet de confronter nos problématiques quotidiennes et d’avancer« , ajoute-t-elle. « Par rebond, être membre d’un réseau d’affaires permet de monter en compétences et d’augmenter le partage d’expérience entre dirigeants« , confirme Alain Bosetti, qui estime de 20 à 30 % le temps passé par un membre d’un réseau d’affaires à ce partage de bonnes pratiques.

« Tous les 3 mois, nous avons des rencontres sur un thème en lien avec la sécurité au travail ou la gestion« , précise également Nicolas Douillard. « C‘est autant de moments précieux et intéressants qui nous permettent de nous améliorer« . Quand l’apport d’affaires ne se limite pas seulement à une stratégie de croissance…

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