Prêt garanti par l’État (PGE) : les réponses à vos questions pratiques
Des questions pratiques se posent aux Daf et aux dirigeants concernant le prêt garanti par l'Etat (PGE) en matière d'éligibilité, d'octroi mais aussi concernant les caractéristiques mêmes du prêt. Sur la base des éléments fournis par Bercy voici les principales questions/réponses sur ce fameux PGE.

Tout d’abord reprécisons que le PGE est un prêt bancaire et non un prêt d’état. Simplement, l’État garanti une part très significative (en moyenne seul 10% du risque est assumé par l’organisme bancaire) du prêt.

Ce prêt s’adresse à tous types d’entreprises PME, ETI, agriculteurs, artisans, commerçants, professions libérales, entreprise innovante, micro-entrepreneur, association, fondation. Seuls sont exclus les SCI, établissements de crédit et sociétés de financement. Pour les grandes entreprises, employant plus de 5000 personnes en France ou réalisant plus de 1,5 Md€ de CA, la part du prêt garanti par l’État est limité et comprise entre 70% et 80%.

Question d’éligibilité

> La loi et l’arrêté précisent qu’une entreprise ne peut pas être éligible au dispositif si elle fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires). A quelle date cette situation doit-elle s’apprécier ?

Il convient d’apprécier cette situation à la date de publication de la loi et de l’arrêté au Journal Officiel, le 24 mars 2020.

> Quid des entreprises en cours d’exécution de leur plan ?

Ce critère ne vaut que jusqu’à  » clôture de ladite procédure « , ce qui doit être compris comme ayant pour conséquence de ne pas exclure une entreprise qui est en cours d’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement au 24 mars 2020 ; ces dernières sont donc bien éligibles au dispositif.

Les entreprises en procédure préventive amiable (mandat ad hoc, conciliation) ne sont pas non plus visées par cette exclusion ; elles sont donc bien éligibles au dispositif. Il en va de même pour les entreprises en médiation.

Attention toutefois : la situation financière, pour les entreprises dans ces situations, étant déjà dégradée, cela peut justifier, au cas par cas, des décisions négatives d’octroi par les banques de nouveaux prêts garantis par l’Etat.

> Les  » entreprises en difficulté  » au sens du droit de l’UE sur les aides d’Etat, c’est-à-dire les entreprises dont les fonds propres sont inférieurs à la moitié du capital social, voire négatifs, sont-elles éligibles si elles ne sont pas en procédure collective ?

Non. Même si la loi et l’arrêté ne le mentionnent pas expressément, il convient de rappeler que dans le cadre temporaire sur les aides d’Etat publié le 19 mars 2020, la Commission européenne a indiqué qu’une entreprise qui se trouvait, à la date du 31 décembre 2019, en difficulté au sens de la définition donnée au (18) de l’Article 2 du règlement UE n° 651/2014, ne peut pas recevoir d’aide au titre des dispositifs d’urgence comme celui-ci.

Des études au cas par cas sont possibles pour les cas où certains de ces critères incluent une notion de dette, la dette prise en compte est le montant des emprunts (donc dette brute). Au regard de la situation, la notion de fonds propres peut être appréciée de façon extensive, notamment en présence de comptes courants d’associés et d’instruments de quasi fonds propres. Les diligences à réaliser pour apprécier ces critères doivent demeurer proportionnées, notamment en l’absence de comptes 2019 certifiés. Il n’est ainsi pas attendu que des attestations particulières soient exigées.

> Est-il possible de cumuler le bénéfice d’un PGE avec d’autres dispositifs d’aide ?

Oui. Il n’y aucune contrainte sur le cumul du bénéfice d’un PGE avec d’autres aides élaborées par les pouvoirs publics français dans la décision ou dans le cadre temporaire de la Commission européenne.

> Est-il possible de remettre en cause l’éligibilité des sociétés sous LBO ?

En tant que tel, une entreprise sous LBO n’est pas un critère d’exclusion du dispositif. De même, les bris de covenant et les niveaux de levier, dès lors qu’ils n’enfreignent pas les critères sur les procédures collectives ni les critères européens d’entreprise en difficulté au 31/12/2019, ne sont pas en eux-mêmes des critères d’exclusion. Mais encore une fois, si la situation financière de l’entreprise est trop dégradée, la banque prêteuse, car c’est à elle que revient la décision, peut être amenée à refuser un nouveau prêt.

Procédure d’octroi du PGE

> Quels sont précisément l’effectif salarié et le chiffre d’affaires à utiliser pour les seuils (PME, ETI, GE) du dispositif qui permettent de décider de la procédure d’octroi, de la quotité et du prix de la garantie applicables à une entreprise donnée ?

Pour connaitre la procédure d’octroi de la garantie, ainsi que la quotité et le prix de cette garantie, il est nécessaire de situer l’entreprise (ou le groupe) par rapport à trois seuils :

Le seuil PME (moins de 250 salariés et moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou 43 millions d’euros de bilan), pour lequel il convient de se référer à la définition européenne de la PME, et d’utiliser en conséquence les chiffres consolidés « monde » pour l’effectif, le chiffre d’affaires et le total de bilan afin de situer l’entreprise par rapport à ce seuil.

Les seuils ETI (moins de 5 000 salariés et moins de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires) et GE (plus de 5 000 salariés ou plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires), pour lesquels il n’y a pas de définition européenne. Il convient alors d’utiliser les définitions françaises (décret d’application de la loi LME), et les chiffres consolidés France pour calculer l’effectif et le chiffre d’affaires utilisés pour situer l’entreprise par rapport à ces seuils. Si l’entreprise n’est pas en mesure de fournir des chiffres consolidés France, il convient de sommer les chiffres des comptes sociaux, sans retraiter les flux intragroupe.

L’ensemble de ces éléments sont fournis à la banque par l’entreprise et sous sa responsabilité.

> Une société holding peut-elle emprunter pour l’ensemble des sociétés de son groupe ?

Oui. Dans le cas d’un groupe, il y a une distinction entre :

? Le dispositif d’octroi  » individuel « , qui concerne les grandes entreprises, pour lequel il est possible de ne faire qu’une demande de prêt, au niveau de n’importe laquelle des entités du groupe éligibles immatriculées en France ; l’assiette utilisée pour calculer le montant de prêt autorisé est, au choix, l’assiette consolidée ou la somme des assiettes individuelles des entités du groupe éligibles au dispositif (tous les SIREN éligibles) ;

? Le dispositif d’octroi de  » masse « , qui concerne toutes les entreprises de moins de 5000 salariés et moins de 1,5 milliard d’euros de CA, pour lequel il est possible soit de déposer une demande par numéro SIREN éligible au sein du groupe (charge ensuite au groupe d’organiser la circulation de la trésorerie entre ses filiales) soit de déposer une demande  » groupée  » pour l’ensemble des SIREN éligibles et qui donnera lieu à l’octroi d’un seul prêt garanti par l’Etat à l’entité choisie (la holding par exemple) ; Les champs nécessaires pour cette dernière possibilité sont à disposition sur la plateforme de Bpifrance produisant les attestations.

Dans tous les cas, le plafond par entité éligible ou pour un groupe est obtenu à partir des comptes sociaux, le cas échéant sommés sur les entités éligibles sans retraitement des flux intragroupe.

Dans le cas où une holding regroupe plusieurs sociétés notées différemment, elle a la possibilité de demander un PGE pour une ou plusieurs de ses filiales.

> Que faire si les comptes 2019 certifiés ne sont pas disponibles ?

Si les comptes 2019 certifiés ne sont pas disponibles, il est possible d’utiliser une attestation d’expert-comptable/commissaire aux comptes. Si cela n’est pas possible, il convient d’utiliser les comptes 2018 certifiés.

> Que se passe-t-il si en pratique, par exemple à la suite d’une erreur, le montant de prêt PGE octroyé dépasse le plafond autorisé ? La garantie continue-t-elle de valoir alors dans la limite du plafond autorisé ou tombe-t-elle en totalité ?

Le chiffre d’affaires (ou la masse salariale selon les cas) qui permet de calculer le montant total par entreprise des prêts pouvant être couverts par la garantie de l’Etat doit s’appréhender comme un plafond et non comme une condition de l’éligibilité. Il peut représenter jusqu’à 25% du CA 2019 mais ne doit pas excéder ce montant. Le cas échéant, la portion qui excéderait 25% ne peut être couverte par la garantie de l’Etat mais en revanche le prêteur conserve le bénéfice de cette garantie sur le reste du prêt dans la limite du plafond autorisé.

De la même façon, si le chiffre d’affaires (ou le nombre de salariés) qui permet de classer l’entreprise (ou le groupe) emprunteur dans l’une des trois catégories (PME, ETI, Grande Entreprise) pour connaitre la procédure d’octroi applicable, la quotité et le prix de la garantie, s’avère a posteriori erroné, le prêteur conserve bien le bénéfice de cette garantie, mais dans la limite de la quotité découlant de l’application des textes à la situation vérifiée de l’entreprise. Il doit régulariser le versement des primes de garantie s’il y a eu un versement inférieur à ce qui aurait dû l’être.

> Y a-t-il un nombre maximum de demandes au-delà du 30 avril ?

Non. Seul est plafonné le montant total des prêts garantis par l’Etat que peut détenir une entreprise.

> Si une entreprise revient plusieurs fois pour demander un nouveau tirage (par exemple en mai en complément d’une première mise en place faite fin mars), le nouveau tirage sera-t-il réalisé de nouveau sur 12 mois créant de ce fait plusieurs échéances courant 2021 ?

Oui. Il s’agit d’un nouveau crédit.

> Le chiffre d’affaires est-il HT ou TTC ? Peut-on considérer qu’une attestation d’un expert-comptable peut servir de base de calcul ? Faut-il inclure les autres produits d’exploitation ?

Le chiffre d’affaires est HT. Il est possible d’avoir recours à une attestation d’expert-comptable en cas d’indisponibilité de comptes certifiés, notamment pour l’année 2019. Le chiffre d’affaires est celui de la liasse fiscale. Il n’inclut pas d’autres lignes de la liasse fiscale, comme les autres produits d’exploitation. La totalité du chiffre d’affaires de la société immatriculée en France est pris en compte. Il inclut donc le chiffre d’affaires réalisé à l’export, y compris lorsqu’il est réalisé vers une filiale.

Caractéristiques du prêt

> Les textes évoquent le terme de  » prêts  » : est-ce un terme générique qui pourrait s’appliquer à une émission d’obligations ?

Non. Seuls sont éligibles les prêts consentis par des établissements de crédit ou sociétés de financement et qui remplissent l’ensemble des critères du cahier des charges fixé par arrêté.

> Le différé d’amortissement minimal de 12 mois empêche-t-il un remboursement anticipé par exemple dans le cas d’une clause de remboursement anticipé obligatoire pour l’emprunteur en cas de changement de contrôle ?

Non. Un remboursement anticipé dans le cas d’une clause usuelle comme le changement de contrôle est possible. Mais l’Etat sera vigilant à ce qu’il n’y ait pas de recours à des clauses abusives qui – à l’encontre de l’intérêt des banques elles-mêmes – viendraient contourner l’option laissée à l’emprunteur à l’issue de la première année de choisir librement d’amortir ou non sur quelques années de plus le prêt.

> Les fonds versés à une société française d’un groupe, qui comprend des filiales étrangères, peuvent-ils circuler au sein du groupe sans restriction ?

L’Etat ne préempte pas les possibilités d’utilisation des fonds mis à disposition dans le cadre du PGE, dans le cas du dispositif  » de masse « . Des clauses usuelles convenues entre l’emprunteur et la banque peuvent toutefois les encadrer, et il est attendu une mobilisation des fonds aux fins de la préservation de l’activité et de l’emploi en France. L’Etat pourra préempter les possibilités d’utilisation des fonds mis à disposition dans le cadre du PGE, dans le cas du dispositif  » individuel  » réservé aux grandes entreprises.

> Le prêt garanti par l’Etat peut-il être souscrit en vue d’un tirage futur / éventuel par des sociétés anticipant des besoins de liquidité et souhaitant pour cela sécuriser une ligne de  » back-up  » ?

Oui. Cela est possible. Néanmoins le délai de carence de deux mois pour la garantie (i.e. le délai à partir duquel la banque est effectivement couverte par la garantie de l’Etat – le sujet est totalement neutre pour l’emprunteur) s’applique à compter du décaissement des fonds : la banque peut donc conseiller en toute légitimité un décaissement immédiat ou plus tardif, au plus près des besoins de liquidité anticipés. Par ailleurs, même en l’absence de décaissement, l’entreprise consomme son plafond de garantie autorisé comme si les fonds avaient été décaissés.

> Le plan de remboursement du prêt se discute-t-il avec les banques après le différé de remboursement de douze mois ?

Non. Le prêt doit nécessairement comprendre un différé d’amortissement d’un an et une clause qui donne la faculté à l’emprunteur de décider unilatéralement la durée d’amortissement du prêt à l’issue de la première année, dans la limite de cinq années supplémentaires. Il n’est donc pas possible de demander à l’emprunteur, au moment de l’octroi du prêt, de décider à l’avance d’étendre l’amortissement à l’issue de la première année sur quelques années de plus. Il est possible d’opérer un remboursement partiel à l’issue de la première année et d’amortir le reste.

> Comment interpréter la date limite d’octroi fixée au 31 décembre 2020 ? S’agit-il de la date d’accord de crédit ou de la date de décaissement du prêt ?

La date d’octroi est la date d’accord de crédit. Cela implique que des prêts effectivement accordés avant le 31 décembre 2020 pourront être décaissés postérieurement à cette date tout en pouvant bénéficier de la garantie de l’Etat.

> Les critères quant à la qualité du prêteur (établissement de crédit ou société de financement) empêchent-ils ou limitent-ils la faculté de céder leur participation dans un prêt garanti ? Autrement dit, un autre établissement de crédit ou un fonds de dette pourrait-il racheter les créances ultérieurement et bénéficier de cette garantie quand même ?

La garantie de l’Etat est octroyée aux établissements de crédit ou sociétés de financement qui consentent les prêts. Elle ne peut pas bénéficier à d’autres acteurs. En cas de cession de créance, la garantie de l’Etat s’éteint avec cette cession. La garantie de l’Etat ne s’éteint pas en revanche en cas de mobilisation du collatéral au refinancement BCE.

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